Inquiétante étrangeté / Tunis 2017 // Etrange dignité Mouna et Sadika / Gorée 2018

 

« Inquiétante étrangeté »

J’emprunte le titre de ce diptyque de photo-performance à Sigmund Freud.

La performance consiste en deux silhouettes couvertes d’étoffes exagérément longues, l’une rouge, l’autre verte, deux créatures étranges, et en même temps familières, qui avancent doucement dans l’eau de la mer méditerranéenne jusqu’à disparition. Les deux longs voiles sont rejetés sur le rivage, avec toute la symbolique autour de la mer, du risque… J’ai voulu par ces prises photographiques traduire le malaise né du paysage visuel qui m’entoure, ici, maintenant, en Tunisie. L’environnement, malheureusement pollué, voire déformé, est non seulement celui de la nature, mais également celui qui touche le paysage humain. L’Homme et la Nature ont subi durement les soubresauts d’un changement politique et sociétal étrangers à ce que nous avons vécu jusqu’il y a quelques années. La métamorphose du « look », particulièrement féminin, après la révolution de 2011 m’intrigue, parce que je le trouve foncièrement étrange. Être libre de mettre le voile est pour moi paradoxal et ne peut mener qu’à la négation de la femme et de ses acquis et à l’obscurantisme, d’autant que l’Islam ne l’a jamais recommandé, et la société tunisienne du XXème siècle ne l’a jamais réclamé. Le nombre croissant des femmes voilées – par conviction, par soumission, par suivisme ou par contrainte – m’inquiète au plus haut degré. Le nombre croissant des jeunes prenant des risques en se jetant dans les bras de la mer, ne m’inquiète pas moins. D’où le choix du lieu de la performance qui est la mer pour un meilleur horizon.

Mouna Jemal Siala

« Etrange dignité »

C’est une performance réalisée sur l’ïle de Gorée qui s’est présenté comme suit :
Des personnes volontaires couverts de draps colorés, avancent dans la mer pour disparaitre sous l’eau , abandonnant leurs étoffes qui naturellement dérivent sur le rivage. Les étoffes sont récupérés par les deux artistes qui se mettent en scène pour couvrir les corps en sable sculptés au préalable. Des « Tombeaux de la dignité » à « l’Inquiétante étrangeté », la performance regroupe une vision de deux artistes dont le soucie de dénoncer une actualité tragique, qui n’a pas cesser de tacher les rives du sud en général et des pays africains en particulier. En hommage aux sans noms, pour ne pas oublier, pour réveiller les esprits, pour ne pas perdre de vue tous ces humains devenue fantômes de notre modernité, la performance vient concilier les corps perdus, afin de leur donner une nouvelle vie. Celle de l’œuvre.

Sadika Keskes &Mouna Jemal Siala